Alors que les organisations évoluent dans un paysage professionnel en constante mutation, les responsables des ressources humaines sont particulièrement bien placés pour relever un défi crucial : concilier les aspirations des employés avec les besoins de l’organisation afin de générer un véritable impact sur leur activité.
Pour mieux comprendre les points de vue des dirigeants, des professionnels RH et des employés, Right Management, le spécialiste en outplacement et gestion de carrière de ManpowerGroup, a interrogé plus de 4.000 répondants dans huit pays européens dont la Belgique, rassemblant ses conclusions dans le rapport intitulé ‘From Stagnation to Agility’(1).
Les travailleurs belges font preuve d’une grande loyauté, 77 % d’entre eux prévoyant de rester chez leur employeur actuel dans un futur proche. Cependant, la mobilité interne reste limitée. En effet, seulement 19% des sondés (18% au niveau européen) déclarent avoir changé de rôle en interne au cours des cinq dernières années et plus surprenant, seulement un travailleur belge sur cinq envisage un changement de rôle au cours des deux prochaines années.
Les structures organisationnelles plus horizontales et l’évolution des priorités des employés rendent la progression de carrière traditionnelle moins transparente, ce qui contribue à un décalage entre les compétences disponibles et les besoins en talents — une véritable bombe à retardement en matière de croissance et de productivité organisationnelles.
Geert Volders, Director de Right Management observe également cette tendance en Belgique : « Bien que les chiffres concernant la loyauté soient rassurants, ils révèlent un manque préoccupant de mobilité interne en Belgique comme en Europe. Cela représente un défi pour les entreprises en matière d’innovation, de développement des compétences et de gestion durable des talents. Selon notre enquête, la mobilité interne n’est pas encore suffisamment considérée comme une priorité par les départements RH, qui se concentrent davantage sur la rétention des talents, la marque employeur et l’attraction de nouveaux profils. La culture d’entreprise et les managers constituent également souvent un frein à une mobilité interne ciblée. Or, dans un monde en perpétuelle évolution, ce manque de mobilité compromet l’agilité des organisations et le dynamisme de leur capital humain. »
Le rapport de Right Management ose poser la question : les travailleurs sont-ils devenus des « campeurs », attachés au statu quo, soucieux de préserver leur bien-être et l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle – plutôt que des « grimpeurs », engagés dans le développement de leurs compétences et de leur carrière ?
La réponse est nuancée. En effet, Il est clair que la santé mentale est devenue une préoccupation majeure. Les employés sont confrontés à un niveau de surcharge et de burnout sans précédent. Selon ManpowerGroup, 49 % des salariés dans le monde déclarent vivre du stress quotidien, tandis que PwC indique que 45 % estiment que leur charge de travail a considérablement augmenté.
Mais d’autres facteurs expliquent ce sentiment ambiant de résignation et ce manque d’ambition, en particulier le décalage entre la nature des opportunités perçues par les employés et la réalité des politiques RH. Le dernier Talent Barometer de ManpowerGroup révèle qu’un tiers des salariés ne croient pas avoir de véritables perspectives de promotion ou de mobilité interne. Les dirigeants, eux, surestiment ces possibilités, ce qui entraîne des investissements mal ciblés en matière de développement des talents.
Une récente étude(2).menée par le Département de recherche en études du travail et des organisations de la KU Leuven confirme les observations du rapport de Right Management, en analysant les causes de la stagnation professionnelle de manière encore plus approfondie. L’étude, centrée sur la réalisation — ou non — de transitions de carrière chez les bénéficiaires du chèque carrière mis à disposition par le VDAB, révèle que l’inertie professionnelle peut avoir de graves conséquences, tant pour les travailleurs que pour les organisations.
« Les personnes qui ne sont pas satisfaites dans leur travail négligent souvent le risque de regret lorsqu’elles renoncent à postuler à une promotion ou à envisager un changement de poste ou de carrière. Ce regret à long terme peut engendrer du stress, des problèmes de santé liés à l’anxiété, une baisse de la satisfaction au travail et une diminution des performances. » explique la Professeure Marijke Verbruggen de la KU Leuven. « Par ailleurs, l’inertie de carrière génère également de la peur et de l’anxiété. Les décisions de transition sont difficiles à prendre, car les résultats sont incertains. Les efforts et les coûts à court terme sont souvent plus tangibles que les bénéfices futurs attendus. De plus, le processus de réflexion – peser toutes les options – est cognitivement exigeant et peut décourager l’action. »
Dans ce contexte, Marijke Verbruggen et Geert Volders soulignent qu’il est essentiel pour l’avenir des organisations de mettre en place une politique de gestion de carrière solide – axée sur le développement des compétences, la mobilité, et le rôle stimulant des managers.
Le défi est clair : les entreprises qui ne placent pas le développement des carrières et des talents au cœur de leur stratégie risquent de perdre leurs meilleurs éléments et de prendre du retard sur un marché du travail en évolution rapide.
(1) ‘From Stagnation to Agility : Driving workforce transformation in a flatter world’ –‘ Right Management, 2025
(2) Actie in je loopbaan! Een studie rond het al dan niet realiseren van loopbaantransities bij aanvragers van de Vlaamse loopbaancheque – Paulien D’Huyvetter PhD Student and Dr. Marijke Verbruggen , Faculty of Economics and Business Department of Work and Organisation Studies , KU Leuven, 2023
Report : From Stagnation to Agility
De nombreuses personnes aspirent à changer quelque chose dans leur carrière, mais ne parviennent pas à entreprendre suffisamment d’actions pour concrétiser ce désir. Ce phénomène est appelé “inertie de carrière”. Cette infographie illustre ce qu’est l’inertie de carrière et quels peuvent en être les effets, sur base de la théorie développée par Verbruggen et De Vos en 2020.
Verbruggen, M., & De Vos, A. (2020). When people don’t realize their career desires: Toward a theory of career inaction. Academy of Management Review, 45(2), 376-394.